Précisions sur les possibilités de modifier les contrats de la commande publique en raison de la hausse des prix et des difficultés d’approvisionnement
L’instabilité et l’envolée sans précédent des prix de certaines matières premières constituent une circonstance exceptionnelle de nature à affecter gravement les conditions d’exécution des contrats, voire leur équilibre économique, et à mettre en danger la pérennité de nombreuses entreprises, et par voie de conséquence la continuité des services publics.
Dans ces conditions, le gouvernement a sollicité l’avis du Conseil d’Etat pour connaître « les possibilités offertes par le droit de la commande publique pour modifier les conditions financières et la durée des contrats de la commande publique pour faire face à des circonstances imprévisibles, ainsi que leur articulation avec la théorie de l’imprévision ».
Le 15 septembre 2022, le Conseil d’Etat a rendu son avis consultable en cliquant ici et la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Economie a produit une note explicative disponible ici.
Concrètement, le Conseil d’Etat considère qu’afin de remédier à une situation résultant de circonstances imprévisibles, il est possible de modifier les clauses financières ou la durée du contrat :
- soit en raison d’aléas résultant de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat : dans ce cas, il faut que l’augmentation des dépenses exposées par l’opérateur économique ou la diminution de ses recettes imputables à ces circonstances nouvelles aient dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat. En outre, les modifications apportées au contrat doivent être directement imputables aux circonstances imprévisibles et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire pour y répondre ni, en tout état de cause, le plafond, apprécié pour chaque modification, de 50 % du montant du contrat initial lorsqu’il est passé par un pouvoir adjudicateur. Elles ne peuvent pas non plus changer la nature globale du contrat.
- soit parce qu’il s’agit de modifications non substantielles : il s’agit de celles, quel que soit leur montant, qui n’introduisent pas des conditions qui, si elles avaient été incluses dans la procédure de passation initiale, auraient attiré davantage d’opérateurs économiques ou permis l’admission d’autres opérateurs économiques ou le choix d’une offre autre que celle retenue, qui ne modifient pas l’équilibre économique du marché en faveur du titulaire d’une manière qui n’était pas prévue dans le contrat initial et qui ne modifient pas non plus considérablement l’objet du marché. Dans ce cas, le montant de chaque modification est soumis à un plafond de 50 % du montant du marché initial.
- soit parce qu’il s’agit de modifications de faible montant : Les modifications « de faible montant » sont celles dont le montant est inférieur aux seuils européens et à 10 % du montant du contrat initial pour les marchés de services et de fournitures et les contrats de concession ou à 15 % du montant du marché initial pour les marchés de travaux, sans qu’il soit nécessaire de vérifier si elles répondent à la définition d’une modification non substantielle.
Dans de telles circonstances, il est également envisageable de conclure une convention d’indemnisation sur le fondement de la théorie de l’imprévision.
En effet, selon cette dernière, « Lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l’équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l’exécution, a droit à une indemnité » (article L. 6 du code de la commande publique).
A ce titre, l’indemnité doit seulement compenser les charges extracontractuelles subies par le titulaire du marché pour que ce dernier puisse poursuivre l’exécution du contrat jusqu’à son terme : il ne s’agit pas d’une modification du contrat.